Accord 35 heures groupe Editialis (Action Commerciale / AM Editions ex Tarsus Groupemm),

commentaires de la déléguée CGT signataire.

 

Contexte :

La société Tarsus Editions, signataire d’un accord négocié lors des lois Aubry de 2000 et dégageant 22 jours de RTT dont 11 journées pleines et 11 sous forme de demie-journées – est transférée à la société groupe Action Commerciale où n’existent aucun accord sur la RTT (cadre hors légalité). Le repreneur, invoquant la caducité de l’accord Tarsus provoquée par le transfert des contrats (L 122.12), engage une nouvelle négociation. Son but initial : ne rien accorder du tout. Son but officieux : accorder un minimum de jours pour régulariser sa situation.

But de la DS Snj-Cgt : préserver les accords existants (10 personnes concernées) et les étendre à l’ensemble du personnel du nouvel ensemble, soit environ 70 personnes.

Négociation amorcée fin mai, finalisée, sous pressions de la direction, le 7 juillet 2005.

A noter : la DS est consciente que la Loi n’impose aucun délai à une négociation qui s’engage, ne reconnaissant qu’un délai « raisonnable » estimé à 12 mois environ. C’est là son premier levier de négociation, l’employeur préférant quant à lui entériner au plus vite toute négociation quelle qu’elle soit. 

Horaire collectif : Cela a été le premier combat ; Plus l’horaire collectif est élevé, plus les jours de RTT dégagés sont importants puisqu’ils résultent, à l’époque Aubry, du calcul des dépassement de la durée légale, c’est à dire les 35 heures, qui aboutissait à la belle époque à 22 jours lorsque l’horaire collectif était maintenu à 39 heures. CE n’est plus le cas aujourd’hui après les lois Fillon. L’employeur en est bien conscient et tente d’amoindrir au maximum l’horaire collectif. La DS propose 37,  l’employeur 36, on aboutira à 36,5, ce qui permet à l’employeur de préserver une amplitude horaire « normale », soit proche des 39h, pour les salariés soumis à l’horaire collectif,  c’est à dire les employés non cadres (secrétaires, assistantes etc…).

Pour les cadres, et les journalistes, la DS insiste sur la nature de la profession et sur la nécessité, par ailleurs conventionnellement instituée en ce qui concerne les journalistes, de sortir de la rigueur d’un horaire collectif et de privilégier, ainsi que le dit notre CC, la gestion autonome des horaires de travail, chaque cadre devant rendre compte non plus d’une ponctualité d’horaire de travail mais de l’atteinte d’un objectif professionnel, en l’occurrence, pour les journalistes, boucler le canard aux dates prévue sans plus avoir à justifier ses déplacements, et la durée de ses rendez-vous professionnels.

C’et là où s’est ouverte une brèche dans laquelle l’employeur s’est engouffré les mains en avant. Ce qui paraissait à la DS une conquête n’était en fait autre chose qu’une semi-défaite. Pourquoi ? Parce que, une fois signé ce bel accort qui aboutit à 10 jours annuels de RTT pour les cadres et journalistes, l’employeur n’a pas chômé. En l’absence de la DS, partie vaquer à ses congés annuels, l’employeur a convoqué, tour à tour les salariés concernés pour leur expliquer qu’ils bénéficiaient bien de 10 jours supplémentaires de congés annuels, mais qu’en contrepartie, il leur serait désormais impossible de se plaindre des surcharges de travail, bref, qu’ils devraient rester au bureau jusqu’à ce que bouclage s’en suive. Un anecdote croustillante proférée par un chef du service Rédac : « la semaine prochaine, vous allez bouffer des pizza car il est hors de question de retarder le bouclage ». Résultat : si les journalistes rédacteurs ne s ‘en sont pas formalisés, habitués qu’ils sont à gérer les surplus de pages en fonction des fluctuations du CA publicitaire, les journalistes maquettistes et SR ont préféré opter pour l’horaire collectif, renonçant ainsi à environ 5 jours de RTT annuels, pourvu de ne pas se voir obligés d’effectuer ce qu’ils considèrent, et à juste titres, comme des  heures sup artificielles. Tel est le danger de ce type de négociation post-Aubry. Du coup, la DS qui comptait passer à d’autres négociations, se voit obligée de surveiller l’amplitude horaire des journaliste et de signaler, chaque fois que cela se produit, les dépassements horaires effectués par cette catégorie de salariés et de réclamer des effectifs supplémentaires que la Direction, évidemment, refuse de lui accorder, prétextant que le statut de cadre autonome institué par la forfaitisation en jours du temps de travail n’est que la juste contrepartie du dévouement « adulte » d’un salarié responsable. Et, 3 mois après la signature de cet accord, la Direction poursuit imperturbablement auprès des journalistes sa politique d’amalgame entre l’horaire de travail et la durée du temps de travail. Le cas HP dont fait l’objet un superbe article de l’Humanité du 14 octobre témoigne de la démocratisation fulgurante de cet amalgame bien pratiques pour les patrons, mais difficilement prévisibles à l’époque de la négociation dont il est question.

Conséquences : la DS passe son temps à rappeler à des salariés de plus en plus sceptiques, que la durée légale du temps de travail, en France, est de 35 heures et que tout dépassement doit faire l’objet d’une récupération supplémentaire à celle des 10 jours accordés par l’accord. Difficile pour autant, d’être crédible auprès d’une population sans cesse ramenée à ses incompétences lorsqu’elle ne satisfait pas à la volumétrie de travail exigée par l’employeur.

Recommandation aux prochains négociateurs : prévoir et exiger de la direction l’horaire seuil à ne pas franchir, sous peine de tomber dans le supplément horaire, pour les cadres et journalistes soumis au forfait jours annuel. Chez nous, à l’issue de cette négociation, il est de 216 jours mais il n’est pas rare de devoir travailler chez soi le week-end pour satisfaire les attentes de l’employeur.

Autre : ce nouvel accord, qui octroie un contingent de jours RTT inférieur à celui dont disposaient les 10 salariés transférés, a été salués par les salariés du cessionnaire (acheteur) mais objurgué par les salariés transférés qui disposaient de 22 jours contre 10 selon le nouvel accord. Intéressant : aucune loi n’impose au salarié transféré de signer un nouvel accord, en particulier lorsque ce dernier est moins avantageux que le précédent. Ce qu’ont décidé de faire 3 de 10 salariés de l’entité ex Tarsus (soit, AM Edition) lors de la fusion sous la nouvelle appellation Editialis. Résultat : l’employeur a été confronté à un vide juridique car même si la loi dit qu’un accord s’impose, elle ne dit pas que le salarié doive nécessairement l’accepter. CE qui laisse entendre qu’il peut aussi le refuser. Question : quel régime s’impose alors ? Réponse : nul ne sait répondre à cette question. Chez nous, les 3 salariés ont demandé la rupture du contrat de travail pour refus d’une modification substantielle de ce dernier. L’employeur a accepté de les licencier mais il planche sur la formule, soit le motif, du licenciement car, nonobstant leur volonté de partir, les dits salariés réfutent, par voie légale, la cause du licenciement invoquée par l’employeur. Lequel me dit qu’en cas de procès, il pourrait autant perdre que gagner sa cause face au juge, la jurisprudence étant trop opaque pour démarquer le champs du droit du champs du non droit. In fine, tout cela donne lieu à une négociation serrée portant principalement sur l’amplitude non pas des horaires, mais des indemnités de licenciement.

 

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